Plus d’enfant unique en chine ?
D’après un groupe de démographes issu des universités les plus connus de Chine “La politique de l’enfant unique est devenue néfaste… et il est d’ailleurs probable qu’elle n’a servi à rien depuis son lancement, voilà trente ans”.
Ji Baocheng, président de l’université du Peuple de Pékin, préconise l’abolition pure et simple de cette politique. Pour Wang Feng de l’université Qinghua « Il faut supprimer la politique de l’enfant unique le plus vite possible » et toujours d’après lui« A l’heure actuelle, pour des raisons économiques, la population n’est pas incitée à avoir beaucoup d’enfants. Si on continu à contrôler les naissances de manière aussi rigide que par le passé, le vieillissement de la population va encore s’accélérer. Réduire davantage la population ne sert a rien et portera préjudice à l’économie », en évoquant les pénuries de main-d’œuvre chroniques qui touchent depuis un an les industries du pays.
Main-d’œuvre
Réalisé en 2010, le tout dernier recensement publié il y a deux semaines, semble donner raison à ces démographes. Selon ces derniers chiffres officiels, la population chinoise, qui est passée de 1,27 milliard en 2000 à 1,34 milliard en 2010, est en train de vieillir à un rythme accéléré : 13,3% des Chinois ont plus de 60 ans, alors qu’ils n’étaient que 10,3% en 2000. Le taux de fertilité, qui comptabilise le nombre moyen d’enfants par femme en état de procréer, n’est plus que de 1,4 : c’est nettement moins que le seuil de remplacement des générations (2,1). La réserve de main-d’œuvre a considérablement décliné : les moins de 14 ans sont passés de 23% à 17%. «En 1987 en Chine, 26 millions d’enfants sont nés, mais il n’y en a plus que 15 millions en 2010 – soit 10 millions de moins ! constate le démographe. Quand une courbe de natalité baisse aussi rapidement, l’impact sur la main-d’œuvre disponible est considérable… Cela signifie que l’export massif de produits bon marché fabriqués par une main-d’œuvre abondante et sous-payée ne sera bientôt plus possible.»
Commentant les résultats du recensement, le président chinois, Hu Jintao, a vaguement reconnu qu’il fallait «améliorer» les orientations du planning familial, « mais tout en maintenant un taux de naissances bas ». Autant dire statu quo. «Les dirigeants ont une compréhension trop lente de la réalité des changements sociaux, et sont très vieux jeu, commente le démographe. Ils ont peur d’une soudaine explosion démographique et se comportent comme s’ils avaient un gros nuage noir au-dessus de leur tête.»
La nébuleuse bureaucratie mise en place depuis 1980 pour appliquer la politique de l’enfant unique, souvent de manière très brutale, n’est pas encline à se dissoudre. La Commission d’Etat du contrôle des naissances emploie un demi-million de fonctionnaires à temps plein, auxquels s’ajoutent 6 millions d’employés à temps partiel. Elle est en grande partie financée par les sanctions pécuniaires infligées aux familles qui ont des enfants hors quotas. Une autre partie de ce revenu alimente les caisses des gouvernements locaux, qui n’ont pas intérêt à voir disparaître ces ressources. Mais c’est à Pékin que se prennent les décisions, au sein du bureau politique du Parti communiste : celui-ci n’écoute-t-il pas les recommandations des démographes ?
Forbans
C’est la Commission d’Etat du contrôle des naissances qui a l’oreille des dirigeants, déplore un démographe, accusant celle-ci de recourir à des méthodes de forbans : «Certains officiels de la commission agissent de manière irresponsable. Ils présentent depuis des années aux hauts dirigeants des chiffres et des informations trompeuses.»
Et de citer un exemple : « Affirmer comme ils le font dans la presse officielle que leur politique a permis d’éviter 400 millions de naissances depuis 1980 est totalement faux. Ça n’a pas la moindre base scientifique. » Pour Wang Feng, le contrôle des naissances semi-volontaire instauré à partir de 1970 (encouragement au mariage tardif, diffusion de moyens contraceptifs) a été «efficace et utile». En revanche, la politique de l’enfant unique qui lui a succédé en 1980 n’aurait pas servi à grand-chose. D’autres pays de la région, tels l’Indonésie et Taiwan, ont enregistré une baisse identique du taux de fertilité en rendant tout simplement les contraceptifs plus faciles d’accès. «La Thaïlande, où le niveau de vie est comparable à celui de la Chine, et où il n’y a pas de politique de l’enfant unique, constate Wang Feng, est arrivée au même résultat : leur taux de natalité est exactement identique au nôtre.»