La Chine et le MMORPG

S’il fallait une preuve de l’implication croissante des univers virtuels sur les sociétés réelles, celle-ci serait de taille : mardi, la Chine est devenue le premier pays au monde à interdire l’achat de biens virtuels contre de l’argent réel.

Le phénomène MMORPG rattrapé par le capitalisme

La Chine et le MMORPGPour comprendre le phénomène Gold Farming, il faut considérer l’ampleur du succès des Jeux de Rôles Massivement Multijoueur en Ligne (Massive Multiplayer Online Role-Playing Games ou MMORPG pour les intimes), qui sont devenus un phénomène massif. World of Warcraft (WoW), le plus connu et le plus joué, est ainsi peuplé de 11,5 millions de nains, trolls, morts-vivants et autres elfes de sang, qui passent l’essentiel de leur temps à massacrer à la chaîne tout un tas de monstres divers et variés.

Les mondes fantastiques que viennent hanter des joueurs plus ou moins “no-life” à longeur de nuits sont conçus comme des univers ludiques. Cependant, comme partout, la réalité économique a pointé son nez à mesure que s’accroissaient le nombre des joueurs. Comment ? Sous la forme des Gold Farmers.

Qui sont les gold farmers ?

Wow-gold-adsTous ceux qui ont un peu pratiqué World of Warcraft – ou n’importe quel MMORPG – les connaissent : les gold farmers, ce sont ces joueurs sous-équipés, qui viennent en grappe aux endroits les plus fréquentés pour proposer leurs services à tout un chacun.

Leurs prestations varient. La plupart du temps, il s’agit de “vendre” des pièces d’or du jeu contre de vrais dollars. Ils peuvent aussi proposer de “monter” un personnage, c’est à dire de le jouer pendant que son joueur titulaire n’est pas là afin de le faire progresser. Dans tous les cas, le principe peut se résumer à : “donne moi du vrai argent et je te donnerai des pièces d’or ou d’autres avantages virtuels”.

Pour la plupart des joueurs, les gold farmers sont des parasites : tels des spams, leurs messages de prestation de service encombrent les canaux publics par lesquels les joueurs communiquent.Peu s’imaginent l’ampleur de ce phénomène de “gold farming”, qui a démarré presque en même temps que les MMORPG.

On évoque l’impressionnant chiffre de 400.000 “gold farmers” dans le monde en 2008, pour un chiffre d’affaires global de 146 millions de dollars à plusieurs milliards, suvant les sources. Le seul WoW concentrerait 70% d’entre eux.

Qui sont ces professionnels du virtuel ? Des Chinois, à près de 80%. Vissés à leurs machines, ils enchainent des journées de 12 à 15 heures d’affilée à tuer des monstres et à accumuler de l’or. Boulot de rêve pour geek no-life ? Pas vraiment : pour maximiser les gains, les gold farmers restent souvent dans la même zone de jeu à tuer et re-tuer les mêmes créatures, inlassablement, sans y prendre aucun plaisir.

Les effets pervers du système

Le problème, c’est que les Gold Farmers deviennent des agents économiques du jeu lui-même. L’argent (virtuel) qu’ils gagnent massivement pousse les administrateur de WoW (ou autres) à augmenter le prix des objets que les joueurs, puisqu’ils constatent une hausse de la masse monétaire en circulation dans le jeu. Bref, le Gold Farmer pousse à l’inflation.

Il est également facteur d’inégalités sociales : les MMORPG sont, à la base, des méritocraties : plus on joue bien (et surtout plus on joue fréquemment) et plus son personnage a de chances de devenir puissant et “riche” en monnaie du jeu. Le fait de pouvoir acheter dans la vraie vie de la monnaie virtuelle (ou des objets, ou du temps de jeu pour son personnage) déséquilibre ce système.

Le gold-farming mène même au racisme : les joueurs Chinois de WoW se plaignent d’être systématiquement pris pour des “gold-farmers” et rejetés par les joueurs d’autres nationalités!

Une pratique combattue par les éditeurs

La lutte contre le gold-farming existe depuis des années au sein des MMORPG : avertissements dissuasifs auprès des joueurs, encouragement à la création de “banque de guildes” où les joueurs d’un même groupe s’entraident et s’échange eux-mêmes des objets, suppression des comptes des “gold farmers” surpris à proposer leurs services…

Les éditeurs de jeu ont ensuite sollicité d’autres acteurs, comme eBay, pour leur demander de proscrire la vente d’or virtuel ou autres objets issus de leurs univers. Rien n’y a fait jusqu’ici. Au contraire, le business du gold-farming est devenu plus rentable à mesure que le nombre de joueurs augmentait. Le secteur connaîtrait des taux de croissance annuels proches des 20% !

Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, se sont interrogés : faut-il taxer ce type d’activités, qui rapportent finalement de l’argent sans la moindre fiscalité ?

Pierre

Je m'appelle Pierre, et j'ai consacré une grande partie de ma vie à étudier et à comprendre l'économie chinoise. Diplômé d'un MBA en affaires internationales, j'ai eu la chance de vivre à Shanghai pendant cinq ans. Cette expérience a non seulement approfondi ma compréhension de la Chine moderne, mais elle m'a aussi permis de saisir les nuances complexes de son économie en rapide évolution.

Pierre

Je m'appelle Pierre, et j'ai consacré une grande partie de ma vie à étudier et à comprendre l'économie chinoise. Diplômé d'un MBA en affaires internationales, j'ai eu la chance de vivre à Shanghai pendant cinq ans. Cette expérience a non seulement approfondi ma compréhension de la Chine moderne, mais elle m'a aussi permis de saisir les nuances complexes de son économie en rapide évolution.

3 commentaires sur “La Chine et le MMORPG

  1. “la Chine est devenue le premier pays au monde à interdire l’achat de biens réels contre de l’argent virtuel.”

    Ne serait-ce pas plutôt l’achat d’argent virtuel contre des bien réel (et souvent de l’argent réel)?
    Je ne vois pas qui (par exemple) donnerait a quelqu’un un lecteur dvd contre 2500 pièces d’or dans un jeu…

    Ou alors les gens sont vraiment pire que ce que je pense

  2. Bonjour
    Vous avez tout a fait raison, il y a bien une erreur à ce niveau la, je le corrige et je vous en remercie
    Bien à vous

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