Chine : Le défi de la consommation intérieure
Par les temps qui courent, on se contente de peu. La Chine se satisfera donc de 6 %. La croissance chinoise a, en effet, bien ralenti durant les trois premiers mois de l’année. S’il fallait un argument pour finir d’enterrer la théorie du découplage, le directeur des prévisions économiques du Centre d’information d’Etat chinois l’a donné sans sourciller la semaine dernière. Un PIB trimestriel en hausse de seulement 6 %, voilà qui serait le taux de croissance le plus faible depuis 1992, date de la création de cet indicateur. Pour l’année en cours, le PIB chinois devrait croître de 5 à 8 %, selon les estimations. Dire que le PIB chinois a augmenté en moyenne de 9,4 % par an, entre 1998 et 2007. Cette année-là, il a même bondi de 13 %.
Ce n’est pas le seul chiffre en berne. La valeur totale des échanges commerciaux chinois (exportations et importations) a chuté de plus de 20 % en mars, en comparaison annuelle. Malgré tout, la balance commerciale chinoise n’a pas déshonoré, ses importations ayant plus chuté que ses exportations.
Ces données sur le commerce chinois sont révélatrices de la situation du pays : il n’est pas immunisé contre la crise. Sa croissance ralentit, la production baisse de régime, les files de chômeurs s’allongent, quelques ouvriers commencent même à improviser des mouvements de grève…
Cependant, la taille et la structure de l’économie chinoise lui évitent trop de désagréments. L’euphorie récente a laissé dans les caisses de Pékin des réserves financières massives, près de 2 000 milliards de dollars, lesquelles lui ont permis de payer comptant son plan de relance.
La Chine possède surtout un réservoir de consommation intérieure. Ce sera sans doute le relais de croissance de demain. Les dirigeants chinois en prennent peu à peu conscience. Le fameux plan de relance, doté de 600 milliards de dollars, fait justement la part belle à la consommation courante et encourage des Chinois traditionnellement plus cigales que fourmis à dépenser.
Enfin, hormis quelques bandes côtières et agglomérations urbaines, surpeuplées et asphyxiées, tout est à construire dans la Chine intérieure. Le pays pourrait saisir l’occasion de la crise pour œuvrer à un développement enfin plus respectueux des hommes et de la nature. Pékin commence même à parler d’énergie éolienne et solaire.
De quoi rendre nos contrées occidentales jalouses, elles qui tentent de garder la tête hors de l’eau, à grands renforts de subventions en tous genres et d’endettement. Et qui ne peuvent que constater des chiffres dans le rouge, « croissance négative », oxymore remis à la mode par les politiciens.
La sortie de crise sera longue et le monde qui en résultera peut-être bien différent de celui que nous connaissions jusqu’à maintenant. Les Etats-Unis sont tombés de leur piédestal, concluent certains. L’Europe n’a jamais aussi bien mérité son qualificatif de « Vieux continent », ajoutent d’autres. La Chine continuera sur sa lancée et a encore de quoi nous surprendre, beaucoup acquiescent. Elle pourrait même nous étonner dès la fin de cette année, en sortant la première du marasme, selon la Banque Mondiale, grâce à sa consommation intérieure. Une bonne partie de la sortie de crise se joue sur les rives de la Mer Jaune et de la Mer de Chine.