Shanghai vieillit, assouplissement de l’enfant unique
Démographie Chinoise
Shanghaï est en train de vieillir si rapidement que les autorités locales viennent de lancer une campagne destinée à encourager, sous certaines conditions, les couples “habilités” à avoir un deuxième enfant. Cette décision inédite, compte tenu des dispositions de la politique de l’enfant unique imposées aux citadins depuis trente ans, a été prise en raison des chiffres alarmants de l’évolution démographique. En 2008, les plus de 60 ans ont passé la barre des 21 % de la population de Shanghaï, le troisième âge représentant désormais plus de 3 millions de personnes dans la municipalité – sur 13 millions d’habitants, chiffre auquel il faut ajouter environ 7 millions de migrants ne possédant pas le houkou, le permis de résidence.
Ce pourcentage, le double de la moyenne nationale, se rapproche de ceux du Japon et de la Suède (23 % et 25 %), où les taux de vieillissement sont parmi les plus élevés au monde. En 2020, selon des statistiques publiées par la presse chinoise, 3 4 % de la population de Shanghaï aura plus de 60 ans si l’évolution actuelle se poursuit.
Le problème : comment payer les retraites et gérer la dépendance de millions de Chinois ? Et comment trouver la main-d’oeuvre suffisante pour une économie en développement ?
« Trou démographique »
Le contrôle des naissances, mis en place au début des années 1970, a fait chuter le nombre d’enfants par femme : de 5,7 à 1,8 en quatre décennies. Cette transition s’était étalée sur un siècle et demi dans les pays occidentaux. Sa brutalité a créé des déséquilibres sociaux : un « trou démographique » qui explique l’inquiétude actuelle.
Dans les faits, la politique de l’enfant unique a déjà été assouplie. Dès 1984, elle a été abandonnée dans les campagnes. Pour nombre de Chinois ruraux, l’enfant unique devait être un garçon, seule garantie pour avoir une retraite ou payer des soins. Car si une fille part vivre dans sa belle-famille, le garçon, lui, reprend l’exploitation et s’occupe de ses parents.
Quant au système de protection sociale, très basique, établi sous Mao, il a été mis à mal par la modernisation de l’économie dès les années 1980.
Confrontée au vieillissement de sa population, les autorités de Shanghai (18 millions d’habitants) viennent de lancer une campagne pour encourager les couples « qualifiés » à avoir un deuxième enfant. Les couples dont l’homme et la femme étaient enfants uniques sont particulièrement ciblés.
Sont aussi concernés ceux ayant un enfant handicapé, ceux, remariés, dont l’un des conjoints n’a pas eu d’enfant du premier mariage et les minorités ethniques. En 2004, la ville de Shanghai avait supprimé l’intervalle de quatre ans obligatoire entre deux naissances.
Dès les années 1990, le débat a opposé les partisans d’un contrôle des naissances à ceux qui s’inquiètent du vieillissement de la population. Dans les prochaines décennies, le rapport entre actifs et inactifs va se creuser : en 2030, le pays pourrait avoir plus de personnes dépendantes que d’enfants.
La Chine est confrontée au même problème de vieillissement que les pays développés. Mais l’économie est encore pauvre et la redistribution quasi inexistante. Dans les villes, où vivent désormais près de la moitié des Chinois, les structures familiales traditionnelles se sont effritées. L’élévation du niveau d’éducation, l’individualisme et des décennies de contrôle des naissances, rendent maintenant difficile une reprise de la fécondité. Et dans la Chine d’aujourd’hui, avoir un enfant coûte cher, affirment bon nombre de jeunes femmes appartenant aux classes moyennes.
Le Quotidien de la jeunesse de Chine remarque que l’une des solutions, pour combattre le vieillissement accéléré et les problèmes de main-d’oeuvre que cela pose à terme, est de relâcher les contrôles sur les mouvements de population, certes assouplis, mais encore très contraignants en Chine. “Les méthodes prises par Shanghaï sont discutables, estime le journal. Dans une société ouverte, pour chercher de la main-d’oeuvre, il est préférable d’autoriser les populations à se déplacer librement plutôt que de favoriser l’augmentation de la démographie.””Aux Etats-Unis ou au Japon comme au sein de l’Union européenne, continue l’article, les méthodes choisies ont été de favoriser la libre-circulation pour atténuer le problème du vieillissement.”
Officiellement, il n’y a pas de remise en cause de la politique démographique. Mais la décision de Shanghai révèle une prise de conscience. En avril, la Chine a annoncé une vaste réforme de son système de protection sociale.
A noter que :
Population. La politique de l’enfant unique en Chine a permis d’éviter 400 millions de naissances en trente ans. La population chinoise s’élève à 1,3 milliard d’habitants. A Shanghaï, 21 % de la population avait plus de 60 ans en 2008 (ils seront 34 % en 2020).
Villes. 35,9 % de la population, soit les personnes vivant en milieu urbain, dans les villes moyennes ou grandes, sont concernées par cette politique.
Campagne. Dans 19 provinces de Chine, les couples de ruraux sont autorisés à avoir plus d’un enfant si le premier bébé est une fille.
Minorités. 11 % de la population, essentiellement les minorités ethniques (Tibétains, Ouïgours, Miaos, etc.) ont la possibilité d’avoir deux enfants ou plus.